M. le président. La parole est à Mme Christine Pires Beaune.
Mme Christine Pires Beaune.
Nous serons donc réunis toute cette semaine pour examiner le troisième
projet de loi de finances rectificative depuis le début de la crise
sanitaire, mais nous ne l’avons toujours pas été pour examiner un PLFSS
rectificatif alors que les conséquences de la crise sanitaire pèsent
lourdement sur les comptes sociaux, dont nous estimons en effet le
déficit à 52 milliards d’euros.
Examiner un troisième collectif
budgétaire avant le mois de juillet, c’est sans doute une première et
une nouvelle preuve que les mesures d’urgence contenues dans les deux
premiers étaient insuffisantes. S’il est difficile de blâmer l’exécutif
pour son manque d’anticipation initial en raison du caractère inédit de
cette crise, force est de constater que ce troisième PLFR, tel qu’il
nous a été transmis, paraît inachevé.
Répondre à la crise
économique et sociale qui découle de la crise sanitaire exige à la fois
une vision globale et un calendrier de mise en œuvre précis. Des plans
de soutien sectoriels, aussi nombreux soient-ils, ne permettront jamais à
notre économie de se relever rapidement et de s’adapter aux défis de
demain s’ils ne s’inscrivent pas dans un plan de relance global.
Aujourd’hui,
les Français et les acteurs économiques ne voient pas où vous voulez
aller, monsieur le ministre. Ce plan de relance global, vous l’avez
repoussé au mois de septembre au mieux, ce qui nécessitera sans doute un
PLFR 4, suivi du PLF pour 2021, avant un PLFR 5 de fin de gestion.
Avouez qu’un plan de relance présenté avant l’été et décliné dans ce
PLFR 3 aurait eu toute sa pertinence.
La plupart de nos voisins, à
l’image de l’Allemagne, ont présenté leur plan de relance, avec des
priorités de moyen et long termes bien définies. Votre temporisation est
dangereuse pour notre tissu économique et même pour notre cohésion
sociale, alors que les prévisions de plusieurs organismes tels que le
FMI, l’OCDE ou la Banque de France montrent que la récession devrait
être bien plus forte en France que dans la plupart des autres pays du
monde.
Les conséquences de cette crise sont concrètes et
inquiétantes. Mon temps de parole étant limité, je me cantonnerai à la
question de l’emploi. Le choc économique massif du premier semestre 2020
aura un impact négatif très fort sur le niveau d’emploi, en dépit d’un
dispositif d’activité partielle généreux et bienvenu. La Banque de
France estime que le niveau d’emploi sera inférieur de presque un
million d’emplois au quatrième trimestre de l’année, par rapport à fin
2019. Cela équivaut à six années de créations d’emplois effacées d’une
traite par la crise.
Il y a donc urgence à répondre à la détresse
de ceux qui redoutent de ne pouvoir retrouver un emploi ou qui
craignent de le perdre, à la détresse des 700 000 jeunes qui arriveront
sur le marché de l’emploi dans quelques semaines, ainsi qu’à l’angoisse
de ceux qui basculent déjà dans la précarité. La situation de notre pays
nécessite l’adoption d’un plan de relance massif.
C’est
justement l’ambition du plan de relance que nous, socialistes, avons
présenté il y a deux semaines, « pour un rebond économique, social et
écologique ». Un parti ou un groupe parlementaire d’opposition s’oppose,
c’est son rôle, mais doit aussi être force de proposition. Ce plan,
composé de quarante-cinq propositions, est global, cohérent et financé.
Parmi
ces mesures figure par exemple la prime climat, proposition 27, qui
combine subvention et avance remboursable, permettant ainsi aux
bailleurs et aux propriétaires de lancer un grand plan de rénovation
énergétique. Cette prime répond à un triple objectif : social d’abord,
puisqu’elle permettra une réduction significative de la facture
énergétique de 500 euros environ par an, ce qui n’est pas rien ;
écologique ensuite, puisqu’elle conduira à une réduction des émissions
de CO2 ; économique enfin, puisqu’elle participera au soutien du secteur de la construction qui en a bien besoin.
C’est
d’ailleurs l’une des mesures phares de la convention citoyenne pour le
climat, qui veut rendre obligatoire la rénovation énergétique globale
d’ici 2040. Nous pouvons aller dans ce sens avec ce PLFR, sans attendre,
si nous adoptons notre amendement no 1143.
Parmi nos
quarante-cinq propositions figure aussi la nationalisation de Luxfer.
J’y reviendrai au cours du débat, monsieur le ministre, tant ce dossier
est vital pour notre indépendance sanitaire dans les années qui
viennent. Nous étions très nombreux, jeudi dernier, devant les grilles
de Luxfer, pour réclamer la réouverture de cette usine et surtout pour
éviter que le savoir-faire de ses salariés ne se perde. Je sais que vos
services suivent ce dossier, que des repreneurs frappent à la porte
– mais voilà : les Anglais bloquent toujours et l’État français, lui,
laisse faire. Vous pouvez procéder à une nationalisation temporaire du
site, seule solution pour débloquer rapidement le dossier.
Manquant
de temps pour vous présenter les quarante-cinq mesures de notre plan,
je vais conclure. Monsieur le ministre, alors qu’approche une rentrée
dramatique sur le front de l’emploi, n’attendons pas septembre pour
soutenir les collectivités locales, les TPE, les PME, les petits
commerces et les entreprises d’insertion. Donnez vite carte blanche et
crédits au seul tandem qui a fonctionné pendant la crise sanitaire : les
préfets de départements et les maires !
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